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Sur les pas d’Athéna à Londres

Sur les pas d’Athéna à Londres

Le rayonnement des divinités gréco-romaines est tel qu’on peut les rencontrer encore de nos jours. Et c’est bien ce qui m’est arrivé lors d’un récent voyage à Londres. En visitant le British Museum, j’ai (re)vu avec émotion une partie du décor sculpté du Parthénon. La présence d’une partie de la frise, des métopes et des frontons dans la capitale britannique mérite quelques explications. 

Salle Elgin, British Museum, Londres
Salle Elgin, British Museum, Londres

Pour honorer sa déesse tutélaire et manifester sa puissance, la ville d’Athènes, à l’instigation de Périclès, fait construire le Parthénon. Ses architectes sont Ictinos et Callicratès. Quant aux sculpteur Phidias, il est à la fois le maître d’œuvre et le responsable du programme sculpté. Les travaux démarrent en 447 av. J.-C. et se terminent en 432 av. J.-C. Le temple fut toutefois dédicacé officiellement en 438 av. J.-C. avec l’installation de la statue chryséléphantine d’Athéna. 

Le temple d’Athéna a été transformé en église entre le 6ème et le 10ème siècle et puis, au milieu du 15ème, avec la conquête ottomane, il devient une mosquée. Malgré plusieurs transformations, le temple est relativement bien conservé. À la fin du 17ème siècle, les Vénitiens attaquent la ville d’Athènes. Les Ottomans se replient sur l’Acropole et transforme le naos du Parthénon (la partie fermée du temple) comme poudrière. Malheureusement un tir de mortier touche le bâtiment qui explose. L’explosion provoque de graves dommages : le toit et les murs s’effondrent, ainsi qu’une vingtaine de colonnes. Le décor sculpté est également endommagé. 

Le Parthénon en 1821 (Dodwell)
Le Parthénon en 1821 (Dodwell)

Au 18ème siècle, les européens peuvent enfin séjourner à Athènes et y étudier les vestiges antiques, grâce à une amélioration des relations avec la Sublime Porte. Plusieurs plans, dessins et peintures sont réalisés.

Au début du 19ème siècle, Lord Elgin est nommé ambassadeur de l’Angleterre auprès de la Sublime Porte. Il a pour objectif de mouler et dessiner les vestiges de la civilisation grecque et notamment de l’Acropole. Grâce à un accord avec les ottomans sujet à interprétation, il parvient à faire « désolidariser » une partie du décor sculpté du Parthénon et à l’envoyer à Londres. Il les a vendues au British Museum qui leur dédie une salle entière.

« West Front of the Parthenon », from Views in Greece, by Edward Dodwell, London, 1821

On trouve trois plaques des frises au Louvre. Les autres sont restées à Athènes et se trouvent au musée de l’Acropole où elles attendent le reste du décor sculpté. En effet, la Grèce réclame le retour du décor sculpté du Parthénon depuis très longtemps. Elle a même réservé une place pour l’ensemble de la frise dans le nouveau musée de l’Acropole, construit par les architectes suisse Bernard Tschumi et grec Michael Photiadis, et ouvert en 2009. Mais le Royaume-Uni fait la sourde oreille. Il faut dire que les collections des musées font souvent l’objet de polémique et certaines œuvres sont parfois rendues à leur pays d’origine ou leur propriétaire légitime. En ce qui concerne les objets archéologiques, l’UNESCO a décidé que tout ce qui est acquis avant 1970 ne doit pas être restitué. En revanche, les objets acquis après cette date doivent être rendus s’il est avéré qu’ils ont été acquis frauduleusement, par exemple à la suite de fouilles clandestines. Ainsi la chance de revoir les marbres d’Elgin retourner à Athènes est assez mince. 

La frise du Parthénon a été sculptée par plusieurs artistes, sous la direction de Phidias. Elle entoure la partie fermée du temple (sekos) et elle mesure près de 160 mètres de long. On y dénombre plus de 300 figures humaines ainsi plus de 200 animaux. Selon l’interprétation la plus courante, elle représente la procession du péplos lors des grandes Panathénées.

La fête annuelle des Panathénées, consacrée à Athéna, avait lieu pendant deuxième moitié du mois de juillet du calendrier actuel. Tous les quatre ans, la fête durait plus longtemps et donnait lieu à des concours dits panathénaïques. On parle alors des Grandes Panathénées. Lors des Grandes Panathénées, la cité d’Athènes offrait à sa déesse un péplos. Le vêtement avait été tissé au cours de l’année par des femmes appelées les Ergastines. Le vêtement est apporté sur l’Acropole lors d’une procession solennelle et ensuite, il orne la statue d’Athéna Poliade.

Scène du péplum, Salle Elgin, British Museum, Londres
Scène du péplum, Salle Elgin, British Museum, Londres

Un autre élément du décor sculpté du Parthénon montrait la naissance d’Athéna, qui sort armée et casquée de la tête de Zeus. La partie centrale est perdue, sans doute depuis la transformation du temple en église. Les sculptures des parties latérales sont encore présentes. Ainsi la naissance de la déesse est entourée du char d’Hélios, le soleil, qui arrive et du char de Séléné, la lune, qui s’en va.

Cheval du char de Sélénè.
Cheval du char de Sélénè.

Conférence 5 avril 2022

Conférence 5 avril 2022

100ème anniversaire du Lyceum Club de Neuchâtel
Mardi 5 avril 2022 à 19h30, Lyceum Club, Beaux-Arts 11, 1er étage

Conférence publique : Maladies rares, espoirs et problèmes

Jacques Rognon
Dr ès Sciences techniques EPFL

Thèmes abordés

1. Les maladies raresCaractéristiques et fréquence
2. Exemple : Les maladies neuromusculairesDescription et modes de transmission
Axes de recherche
3. La Fondation Suisse de Recherche
neuromusculaires
Buts et organisation
Financement et répartition des
dépenses
Répartition des bourses par
Universités
4. Le concept national des maladies raresRappel historique et organisation
Projets
5. Le problème du coût des médicamentsMode de fixation des prix
Possibilités d’amélioration

Veuillez vous inscrire en remplissant

l’invitation en ligne

jusqu’au vendredi 2 avril 2022.

Entrée libre
Collecte en faveur de la Fondation Suisse de Recherche sur les Maladies Musculaires

Mythologie romancée

Mythologie romancée

À la suite de l’annulation de l’atelier Mythologie de février consacré à Athéna, et qui sera reprogrammé prochainement, je vous fais une proposition de lecture qui vous permettra tout de même de vous évader dans l’univers fascinant de la mythologie grecque. 

Madeline Miller, née en 1978, est une écrivaine américaine. Elle a étudié le grec et le latin et elle est devenue enseignante de latin dans l’enseignement secondaire. En 2011, elle publie son premier roman, Le Chant d’Achille, qui remporte le Baileys Women Prize for Fiction. Dans ce livre, Madeline Miller retrace l’histoire d’Achille en prenant le point de vue de Patrocle. 

Pierre Mignard  (1612–1695), Catherine Thérèse de Goyon de Matignon-Thorigny (1662-1699) en Thétis avec ses fils en Achille et en Cupidon, 1691, National Gallery, Londres (Wikimedia Commons)
Pierre Mignard (1612–1695), Catherine Thérèse de Goyon de Matignon-Thorigny (1662-1699) en Thétis avec ses fils en Achille et en Cupidon, 1691, National Gallery, Londres (Wikimedia Commons)

En 2018 paraît le second roman de Madeline Miller, Circé. On quitte le monde des héros pour celui des divinités et de leurs intrigues. Circé naît d’une des innombrables filles de l’Océan et d’Hélios, le Soleil. Divinité immortelle insignifiante, elle devient une magicienne puissante. Elle éprouve aussi une attirance profonde pour les humains. 

Une websérie sur HBO basée sur le roman Circé est annoncée. 

J W Waterhouse (1849 – 1917) Circe Invidiosa, 1892, Art Gallery of South Australia, Adelaide (Wikimedia Commons)
J W Waterhouse (1849 – 1917) Circe Invidiosa, 1892, Art Gallery of South Australia, Adelaide (Wikimedia Commons)

Madeline Miller réussit le tour de force de rendre palpitante la lecture d’un livre dont on connaît déjà l’histoire. Si dans Le Chant d’Achille, l’autrice suit relativement fidèlement la tradition mythologie et Homère, elle parvient, dans Circé, à agencer avec brio des épisodes connus par des sources éparses. En plus d’être une narratrice hors pair, l’autrice nous amène à réfléchir de manière profonde sur le sens de l’existence. 

Nathalie Duplain

Récital violon-piano 15 février 2022

Récital violon-piano 15 février 2022

Mardi 15 février 2022, à 19h30, Lyceum Club, Beaux-Arts 11, 1er étage

par

Krassimira Jeliazkova-Jones, violon
Veneziela Naydenova, piano

Concert à l’occasion du centième anniversaire (1920-2020) du Lyceum Club Intertanional de Neuchâtel. Au programme: oeuvres de Beethoven, Liszt, Dvořák, Rachmaninov, Sarasate, etc.

Prix des billets :
Adultes : CHF 20.-
Lycéennes : CHF 15.-
Jeunes en formation : entrée gratuite.

Veuillez vous inscrire en remplissant

l’invitation en ligne

jusqu’au lundi 14 février 2022.

Veuillez vous conformer aux règles Covid en vigueur, voir Accueil.

Beaux-Arts 7

Beaux-Arts 7

Quelques propositions de balades artistiques pour votre été 

A Bulle, au Musée gruérien :

Exposition d’œuvres d’André Sugnaux, intitulée « Passions russes ».

André Sugnaux est parti en 1988 à St-Pétersbourg pour y apprendre l’art des icônes. L’exposition présente des portraits et des paysages inspirés de cette expérience.

Jusqu’au 3 octobre 2021. Infos sous www.musee-gruerien.ch

A Charmey, au Musée :

Terre à terre : rencontre avec l’expression céramique contemporaine.

(En plus, l’endroit est pittoresque et sympathique … et il y a les bains, et de bons bistrots !)

Jusqu’au 24 octobre 2021. Infos sous www.musee-charmey.ch

A Gruyères, au Musée HR Giger :

Si vous ne l’avez pas encore vu, et si cet univers décalé, onirique, parfois angoissant, de science-fiction ne vous fait pas peur, c’est à voir …

(Plus les meringues à la crème ou une bonne fondue en sortant …)

Infos : www.hrgigermuseum.com

A Vevey, Musée Jenisch :

Au Pavillon de l’estampe : Œuvres de Jean Lecoultre. L’œil à vif.
Et en même temps, jusqu’àu 5 septembre 2021, des œuvres d’Oskar Kokoschka. L’appel de Dresde.

(Beau musée, pas loin de la gare, et le lac est tout près …)

Infos: www.museejenisch.ch

Voilà, juste un petit aperçu de ce que nous présente le monde artistique cet été !

En ce qui vous concerne, amies Lycéennes, la section Beaux-Arts vous réserve deux belles surprises pour cet automne-hiver ! Bel été et à bientôt.

Chloé-D.

Beaux-Arts 6

Beaux-Arts 6

Cours vidéo de dessins et aquarelles

Cabane – Dessin (c) Anne Catherine Hubleur

Je me lance à partager avec vous mon expérience d’exercices de dessin et d’aquarelle. Je suis passionnée depuis quelques années par le croquis aquarellé lors de mes voyages. Les voyages annulés, je me suis inscrite, en avril 2020, à des cours en vidéo donnés par un artiste peintre genevois Éric Alibert.
Je vous recommande vivement d’aller voir son site et ses nombreux ouvrages édités. Le livre nommé « Alpes » a été offert au pape François par Alain Berset, président de la Confédération en 2018.
Une fois par semaine, Eric Alibert propose un thème, avec explications, démonstrations, proposant des modèles d’autres artistes à reproduire ou des photos. Les thèmes sont variés : nuages, arbres, bosquet, montagne, oiseaux, fleurs, couleur de la neige, etc. Je reçois avec d’autres participantes, la correction de mes exercices.

Ces cours ont rythmé ces semaines de confinement et m’ont donné l’occasion d’observer toujours plus précisément et attentivement la nature et les sujets à peindre. Malgré une certaine aversion pour le numérique, j’apprécie ces cours et le travail en solitaire qui favorise la concentration. Quelques amies suivent ces cours et nous pouvons heureusement communiquer et partager nos joies et peines suivant les difficultés de nos apprentissages.

Alors voici quelques images de mes exercices qui je l’espère vous donneront envie de prendre le crayon et le pinceau ou de partager vos créations avec nous.

Anne Catherine H

Beaux-Arts 5

Beaux-Arts 5

Bal masqué – bas les masques …

Chloé-D. Brocard, Bal masqué, 60 x 60 cm, 2020

C’est une toile réalisée l’hiver passé, avant la pandémie donc. Je l’ai appelée « BAL MASQUÉ ». Elle m’évoquait une scène floue où des personnages aux traits indistincts, oniriques, un peu grotesques, s’adonnaient à une bacchanale ou autre danse rituelle … Derrière ce flou, des restes de barreaux sont visibles … bref, une bacchanale masquant une autre réalité nettement moins festive …

Hiver 2020-2021 : on se croise sans se frôler, les regards parfois se cherchent et se reconnaissent, ou au contraire s’évitent et se font vides d’expression. On devine parfois un sourire sous le masque quand le papier ou le tissu s’étire un peu. On s’amuse un peu devant les masques maquillés au tissu moqueur et on rigole un peu moins en face des nez de canards, trop enclins à nous rappeler la dangerosité du mal sournois qui nous entoure …

J’ai envie de débaptiser ma toile et de la renommer « BAS LES MASQUES ». Mais j’ai peur. J’ai peur de ce que je risque de faire alors apparaître au premier plan …

Car, si derrière, il y avait réellement d’autres barreaux, d’autres prisons, d’autres grillages ? Et si ces barreaux représentaient ce qui nous a ligotés, la surconsommation, le non-respect du Vivant, les besoins effrénés de satisfaire immédiatement notre petit moi … Nous risquons alors de nous retrouver une nouvelle fois à hurler silencieusement notre souffrance, de manque d’Amour, de manque de reconnaissance, de manque de connexion avec notre Terre Mère … encore et encore. Et là, aucun masque ne nous protégera de notre souffrance …

Alors, pour l’heure et peut-être lâchement, je préfère l’inconscience de la bacchanale, dans une relative sécurité partagée dans une folie collective, que de lever le masque et de découvrir cette autre réalité, encore plus destructrice de ce qui est ou devrait être l’être humain … Pour l’heure, j’ai bien dit, pour l’heure …
Fortunately, tomorrow is another day …

Ces propos n’engagent que moi, en ce samedi ensoleillé du 9 janvier 2021 …

Chloé-D.

Lettres et Sciences humaines 2

Lettres et Sciences humaines 2

Contes en ligne

Nathalie D

La pandémie qui sévit actuellement a de lourdes conséquences sur les événements culturels. Il n’est plus possible d’assister à une représentation théâtrale ou à un concert. Même les conteuses et les conteurs, qui s’adressent habituellement à de petits auditoires, ne peuvent plus pratiquer leur art en salle. Un Noël sans contes est cependant difficilement concevable. La période des fêtes est en effet la plus propice à l’organisation de spectacles de contes. Par bonheur, les nouvelles technologies permettront cette année aux enfants et à celles et ceux qui ont conservé leur âme d’enfant de vivre tout de même la magie des contes de Noël. Il faut dire que plusieurs conteuses et conteurs ont tenté l’aventure en ligne pendant le confinement du mois de mars. Grâce à ces expériences, la caméra se laisse apprivoiser.

Association des conteuses et conteurs du Jura

L’Association des conteuses et conteurs du Jura lance, dès le 1er décembre, un calendrier de l’Avent conté. Chaque jour, le public pourra découvrir une nouvelle histoire sur le site Web de l’Association ou sur sa page Facebook.

Site Web de l’Association des conteuses et conteurs du Jura

https://ju-racont.art

Page Facebook de l’Association des conteuses et conteurs du Jura

https://www.facebook.com/contesjura/

Vidéo de lancement

Avec l’aimable autorisation de Nathalie Duplain

Bô Noël

Bô Noël, le marché de Noël de la ville de Lausanne, organisait chaque année un lieu où petits et grands pouvaient écouter des histoires. Des membres de l’Arbre à contes, association des conteuses et conteurs romands, se relayaient de mi-novembre à fin décembre pour enchanter petits et grands. Malgré la situation sanitaire, Bô Noël n’a pas voulu renoncer à cette offre très appréciée du public. Cette année, six conteuses provenant de six cantons romands se sont rendues, chacune à leur tour, dans un petit village agricole près de Payerne. Une équipe restreinte les a filmées dans un studio dans lequel un décor de Noël avait été aménagé. Chaque mercredi après-midi, entre le 25 novembre et le 30 décembre, deux contes seront dévoilés sur le site Web de Bô Noël.

Site Web Bô Noël

https://bo-noel.ch/les-contes-pour-enfants/
Beaux-Arts 4

Beaux-Arts 4

PETITE CHRONIQUE DE LA COULEUR

LE VERT : HISTOIRE ET SUPERSTITIONS/ 2

Le 18e siècle apporte ses « lumières » non seulement dans le domaine de l’esprit, mais aussi dans la vie quotidienne ! Les éclairages s’améliorent, les fenêtres s’agrandissent, on voit mieux les couleurs, on leur accorde davantage d’attentions. La chimie des couleurs a fait des progrès, qui favorisent ceux de la teinture et de la production textile. Les tons se diversifient. Mesurable par la physique, produite et reproduite à volonté par la technique, la couleur apparaît pour la première fois de son histoire comme plus ou moins maîtrisée. Alors elle perd un peu de son mystère. On laisse de côté des questions débattues durant des siècles à son propos, telles la morale, la symbolique, l’héraldique, et on s’engoue pour la colorimétrie, la mode et « les couleurs au goût du jour ». Tout cela ne profite guère au vert. Il faudra attendre la fin du siècle pour que la place du vert dans le vêtement ou dans l’ameublement soit plus fréquente. Le 18e siècle, en tout cas jusqu’aux années 1780, est le siècle du bleu ! J’en parlerai dans une autre chronique ! De plus, l’idée circule que le vert et le bleu (le premier dans le cœur des citoyens) s’accordent mal. Et ce vert, ce si mal aimé, ne met pas les femmes en valeur, le soir à la chandelle (tout le monde ne bénéficiait pas encore d’un éclairage adéquat !) ; il s’affadit et tire vers un brun plus ou moins sale. En plus, certaines personnes continuent à croire qu’il porte malheur ! Il passe encore pour dangereux, ayant partie liée avec les démons et les sorcières.

Le vert, c’est la couleur de Satan, du diable, des ennemis de la chrétienté (référence à l’islam dont c’est la couleur fédératrice), des êtres étranges, fées, sorcières, lutins, génies des bois et des eaux, des super-héros, des martiens, petits hommes verts de la SF. Il joue le rôle de l’ailleurs, de l’étrangeté, du fantastique.

On doit à Goethe, dans son fameux « Traité des couleurs », l’idée d’associer chaque couleur à une catégorie sociale. Il fera du vert la couleur des bourgeois et des marchands, du rouge celle de la noblesse, du noir celle du clergé et du bleu celle des artisans et des ouvriers. On est au début du 19e siècle et Goethe voit dans le vert une couleur apaisante.

On pourrait penser que dans cette période romantique, qui voit venir un renouveau de l’attrait pour la nature, que le vert deviendrait une couleur « romantique ». Or, ce n’est pas faux, mais pas tout à fait exact non plus. Peintres et poètes, qui aiment mettre en scène la nature, y voient bien d’autres couleurs que le vert ; il y a l’eau, le ciel, la mer, la lune, etc. Et dans leurs œuvres, on y voit bien davantage du bleu et du noir que du vert !

Pour autant, n’oublions pas la place que le vert a eue précédemment chez ceux qu’on appelle les préromantiques. Là, le vert de la nature, du monde végétal, retient l’attention des poètes et artistes. Ce vert est un refuge, une source d’inspiration, une couleur divine que mettra en scène Jean-Jacques Rousseau dans « La Nouvelle Héloïse » et dans « Les Rêveries d’un promeneur solitaire ». La mode est aux herbiers, à la peinture de paysage.

Mais en ce début du 19e siècle, apparaît alors le vert de la liberté ! La distinction progressive chez les peintres, puis chez les savants, faite entre les couleurs « premières » et les couleurs « secondaires » avait en effet conduit à faire du vert le contraire du rouge. Ce dernier étant depuis longtemps la couleur de l’interdiction, le vert, son contraire, est devenu tout naturellement celle de la permission. D’où la signalisation bichrome qui s’installe dans quelques ports, puis dans la signalisation ferroviaire, puis plus tard dans la signalisation routière.

Plus près de nous …

Il y a un peu plus d’un demi-siècle encore, le sérieux, le légal, l’officiel, le juste, le vrai, s’exprimaient en noir et blanc. Les couleurs étaient pour le frivole, le loisir, le pittoresque, voire la débauche. Couleurs frivoles dont il vaut d’ailleurs mieux se dispenser ! Héritage de la réforme protestante et de sa classification des couleurs en deux groupes : honnêtes ou déshonnêtes. Cette distinction, apparue au 16e siècle, avait encore cours dans la seconde moitié du 19e siècle. Quand les industries commencent à produire à grande échelle des objets de consommation, les couleurs vives sont exclues. Rouge, jaune et vert sont rejetés. Ce n’est en rien dû à des contraintes imposées par la chimie des colorants, mais bien à l’éthique protestante qui était très présente. Jusqu’à fort avant dans le 20e siècle, le grand capitalisme financier et industriel, des deux côtés de l’Atlantique, est aux mains de familles protestantes qui imposent leurs valeurs, leurs normes, leurs principes.

Jusqu’au milieu du 20e siècle, le vert est très timide encore dans les objets du quotidien. C’est dans le monde des jouets, des livres et des images pour enfants qu’il trouve son meilleur rôle entre les deux guerres. Meilleur exemple, celui de Babar, toujours vêtu d’un bizarre costume vert, d’une chemise blanche et d’un nœud papillon rouge. C’est un vert gai ! A l’opposé, cette période a aussi vu se développer des verts très laids, repoussants, mais voulus tels quels, des verts qui se fondent dans le paysage, qui ne se salissent pas, tels les uniformes militaires par exemple. On connaît le kaki (venant d’un terme ourdou signifiant « couleur de terre »). L’adoption de cette couleur a marqué une rupture brutale avec les couleurs vives destinées à être vues de loin et à rendre fier celui qui portait les couleurs emblématiques de son régiment.

Il faut aussi voir l’impact qu’a eu l’intérêt toujours plus grand pour l’hygiène et la santé dans la vie du vert. L’Europe urbaine, dans la seconde moitié du 19e siècle déjà, souffre de pollution et les villes manquent cruellement de verdures. On encourage la création de jardins privés, on encourage le jardinage. On sait maintenant l’intérêt qu’ont les espaces verts pour la santé. Alors on crée des jardins publics, et là, tout est vert, les chaises, le mobilier, les grilles, les kiosques, etc. Le lien se fait alors en toute discrétion entre ce vert végétal et hygiénique et le vert médical, né vers la fin du Moyen Age (pendant des siècles, les remèdes étaient pour la plupart issus du monde végétal). D’abord couleur des vêtements des chirurgiens, le vert est devenu la couleur de la médecine et de la pharmacie. Même si, dans ces domaines, beaucoup d’autres couleurs ont fait depuis leur apparition. Où il faut mettre l’accent sur l’hygiène, la fraîcheur, le vert est présent.

Sur le plan civique et politique également, le vert est revendiqué par différents mouvements et courants d’opinion, plaçant au centre de leurs préoccupations la sauvegarde de l’environnement et les attitudes eco-responsables. Le vert est donc devenu une couleur idéologique et politique.

La véritable force symbolique de cette couleur dans les sociétés occidentales contemporaines, c’est la triade : santé – liberté – espérance. Le vert véhicule une idée de liberté, de naturel, il est riche de multiples espérances, tant pour l’individu que pour la société. Autrefois délaissé, le vert serait-il devenu une couleur que l’on pourrait qualifier de « messianique » ?

Et si l’on résumait ainsi :

Le vert est incertain, il se décolore à la lumière, il s’évapore, il s’obscurcit, il jaunit :
Pendant longtemps, le seuls moyens à disposition pour teindre/peindre en vert étaient d’origine végétale ou minérale, peu fiables quant à la qualité du résultat.

Le vert est dangereux, corrosif, toxique, il engendre des maladies, c’est la couleur du poison :
Quand d’autres moyens de teinture ont été introduits, chimiques, on a obtenu de meilleurs verts plus beaux, plus vifs, mais dangereux pour la santé car toxiques !

Le vert est instable, changeant, le fruit du hasard.
C’est ce qui lui a valu d’être appliqué à tout ce qui est incertain, hasardeux, aux jeux d’argent, à l’envie, à la jalousie, etc.

Le vert est associé à tout ce qui est maléfique, aux démons, aux sorcières, aux fées capricieuses.

La « faute » à La Réforme protestante, et avant elle à l’Eglise catholique. La première ne reconnaissait pas le vert comme « honnête » (et aucune autre couleur vive d’ailleurs), et la seconde l’associait au diable, au démon.

Le vert a passé par toutes phases d’amour, de désamour, de mauvaise réputation, de réhabilitation.

La « faute » aux instances, telles l’Eglise, la Science, à l’inconstance des hommes, aux modes, aux diktats pseudo-scientifiques.

Mais c’est aussi et bien heureusement la couleur de la fraîcheur, de la jeunesse, du calme, de l’harmonie, du naturel … c’est le signe de la liberté, de la croissance.

Un oubli de taille : La fée verte !

Une grande oubliée dans ma petite histoire du Vert : la fée verte ! Votre Fée verte, amies neuchâteloises et jurassiennes !

Mais, je l’espère, vous pardonnerez à une Vaudoise native du Léman l’affront fait à ce mythe bien jurassien ; une vaudoise dont l’enfance n’a pas été bercée par les légendes et histoires troublantes que cette brave « fée » a semées à tous vents ! Même si, pourtant, oui, quelques souvenirs, une bouteille qui n’était sortie que dans les grandes occasions, bouteille sans étiquette, obtenue sous le manteau, au contenu que mon père versait avec précaution par-dessus des cuillères ad hoc confectionnées par ses soins … Rituel d’adultes, où le mot « bleue » revenait souvent, avec plein de regards et de sous-entendus …

Je ne vais pas revenir ici sur l’épopée de la « fée verte », ou « bleue », déjà abondamment documentée dans notre canton ; je vais juste vous donner à lire et apprécier quelques faits et citations que l’on attribue, à tort ou à raison, à l’effet magique et/ou désastreux (c’est selon …) de cette boisson !

D’abord son nom, sa couleur. Nulle trace de vert dans cette eau opaline, brumeuse, ou alors si peu … Il faut sans doute en avoir déjà bien abusé pour apercevoir, comme le dit l’écrivain irlandais Oscar Wilde » une eau vert émeraude » et, cerise sur le gâteau, voir flotter aux alentours des petites fées … vertes !

On trouve pourtant un peintre, Poubarbeau (XIXe siècle), qui l’utilisait comme « nom de couleur », avec une évocation implicite du charme toxique de la liqueur ; il l’associait à la couleur du « charme des yeux » …

Et on doit aussi à Oscar Wilde une citation, disons, d’un cynisme déroutant : « Le premier verre vous montre les choses comme vous voulez les voir, le second vous les montre comme elles ne sont pas ; après le troisième, vous les voyez comme elles sont vraiment. Et il n’y a rien de pire ». Disons qu’il n’avait pas l’ivresse très gaie …

Cette fée verte a contribué à de nombreuses œuvres, voire outrances, artistiques, que ce soit en littérature, avec Verlaine, Rimbaud, Victor Hugo, Edgar Allen Poe, Jack London, ou en peinture, avec Manet, Toulouse Lautrec, Degas, Picasso et j’en passe … qui ont tous à un moment ou à un autre, parlé ou « peint » l’absinthe. On lui prêtait même des vertus particulières capables de susciter l’imagination et la créativité …

On dit aussi que la fameuse oreille coupée de Van Gogh aurait pour origine une dispute entre Gauguin et Vincent. Ce dernier, furieux, lança un verre d’absinthe à la tête de Gauguin et le menaça avec un rasoir. Puis il s’enferma dans sa chambre et se coupa l’oreille … Info ou intox ?

Et puis, s’il fallait encore, à l’époque, un argument en faveur de la dangerosité de cette liqueur (due à la fameuse thuyone, ingérée en excès), on pouvait citer l’apôtre Jean, qui, dans l’Apocalype du Nouveau Testament disait : « Le troisième ange sonna de la trompette : il chut du ciel une grande étoile qui flambait comme une torche ; elle tomba sur le tiers des fleuves et des sources. Cette étoile s’appelle « l’Absinthe ». Ainsi le tiers des eaux tourna en absinthe et bien des gens moururent d’avoir bu ces eaux empoisonnées » !

Je terminerai par ce poème, cité dans « Les buveurs d’absinthe », d’Octave Féré et Jules Cauvain :

Absinthe ! déesse / Aux feux verts, / Près de toi, maîtresse / Sans travers, / Qu’est cette duchesse / De Nevers, / Cette charmeresse / Aux yeux pers ? / Rien qu’une drôlesse ! / Absinthe, déesse / Aux feux verts ! 

Chloé-D. B

Références bibliographiques :

Michel Pastoureau : Histoire d’une couleur, Vert. Ed. Du Seuil.

Michel Pastoureau : Les couleurs de nos souvenirs. Ed. du Seuil

Michel Pastoureau/Dominique Simonnet : Le petit livre des couleurs. Ed. du Panama

Elisabeth Brémond : L’intelligence de la couleur. Ed. Albin Michel

Barbara Blin Barrois : Vert. Ed. Eyrolles.

Et pour la fée verte : L’absinthe et les artistes. Racines comtoises. Patrimoine et photographies de Franche-Comté – Coucou la Suisse : l’absinthe au Val de Travers – Wikipedia